L’intégration d’un nouvel associé dans un groupe de praticiens médicaux libéraux
Intégrer un nouvel associé dans une Société d’Exercice Libéral (SEL) ou une société de fait (SDF) de praticiens libéraux peut profondément bouleverser le groupe en cas d’erreur de recrutement sur la personne du futur nouvel associé. Si sa pratique professionnelle, ses compétences, ses valeurs, sa personnalité se révèlent incompatibles avec celles du groupe, il est difficile de revenir en arrière, sans des conséquences préjudiciables pour toutes les parties. Pour éviter cela, des solutions existent, par exemple, instaurer pour le futur associé une période d’essai contractuelle, ou encore lui conférer des parts d’industrie pendant une période transitoire. Encore faut-il adapter ces solutions en fonction de la structure d’exercice professionnelle des associés, SEL ou SDF, et les prévoir suffisamment en amont.
Comment éviter l’erreur de recrutement d’un nouvel associé dans un groupe de praticiens médicaux libéraux ?
L’expérience montre qu’une association aura plus de chance de réussir et de durer dès lors que les associés en place mais également le futur nouvel associé auront pu chacun « tester » la réalité de leur association professionnelle pendant une certaine période avant de confirmer l’entrée définitive dans le groupement.
La nécessité de pouvoir « tester » le futur nouvel associé au sein du groupe et réciproquement
Pour les associés d’une société de fait ou d’une SEL qui proposent à un praticien de leur spécialité de venir s’associer avec eux, la difficulté est, avant de l’intégrer de manière définitive, de pouvoir :
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s’assurer de ses compétences professionnelles,
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le voir évoluer dans le milieu professionnel, dans ses relations avec les autres associés, avec les salariés, avec les patients, …
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tester son adaptation dans le groupe, son adéquation avec les méthodes de travail, avec les valeurs du groupe et son mode de fonctionnement.
Pour le jeune chirurgien/médecin qui quitte un établissement hospitalier public pour rejoindre une équipe de libéraux installés en clinique, la difficulté est de pouvoir s’assurer, avant de confirmer son arrivée définitive et payer son indemnité « d’intégration », de la réalité de l’exercice professionnel que lui impose le groupe qui lui a proposé l’association, et sa compatibilité avec :
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les méthodes, le fonctionnement, les valeurs, la stratégie d’avenir du groupe,
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les personnes avec lesquelles il va travailler, ses associés, mais également le personnel, le cas échéant, les autres praticiens de la Clinique,
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et en un mot, s’assurer qu’il est bien « sur la même longueur d’onde » que ses associés.
Fréquemment, il sera proposé au jeune chirurgien ou au jeune anesthésiste d’effectuer des remplacements d’un ou plusieurs de ses associés avant de devenir associé. Ces remplacements peuvent s’avérer insuffisants pour se rendre réellement compte de la réalité. D’autres solutions existent permettant de mieux appréhender la situation.
La mise en place d’une période d’essai
Il est recommandé de rédiger un protocole d’accord, qui sera signé par tous les associés et le nouvel arrivant, définissant ainsi les modalités de cette période d’essai, et les conséquences applicables pour chacun, selon si elle s’avère concluante ou non.
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Qu’est ce qu’une période d’essai ?
C’est une période pendant laquelle le praticien va être associé à titre provisoire et non définitif pendant laquelle il va exercer son activité professionnelle dans les mêmes conditions que s’il était définitivement associé, mais sans avoir encore payé une quelconque indemnité à ses futurs associés.
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Quelle est sa durée ?
Cette période d’essai devra être définie pour une durée déterminée, généralement de l’ordre de six à douze mois.
Parfois, et de plus en plus fréquemment, la Clinique dans laquelle exercent les praticiens exigera également la réalisation d’une période d’essai pour le futur arrivant.
Dans ce contexte, il y a lieu d’être vigilant et de faire en sorte que la durée de la période d’essai instaurée entre les praticiens soit cohérente avec celle exigée par la Clinique.
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Quelles sont les modalités de cette période d’essai ?
Elle devra être déterminée pour pouvoir bénéficier à toutes les parties en présence, tant les praticiens installés accueillant un nouvel associé dans leur groupe, que le jeune médecin qui souhaite s’installer en rejoignant cette association de médecins.
Elle devra définir les conditions d’exercice du futur nouvel associé, notamment les conditions d’utilisation des locaux, la jouissance des vacations de bloc, la participation aux gardes et astreintes, les règles applicables pour la prise de congés, ou encore celles applicables en cas de maladie ou d’accident, etc …. Elle devra également définir clairement les règles de rémunération pendant cette période.
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Quelle est l’issue de cette période d’essai ?
Si cette période d’essai se révèle concluante pour toutes les parties, la fin de la période d’essai sera marquée par l’intégration définitive du nouveau praticien dans le groupement, et donc par le paiement du prix de cession convenu à ses associés.
Si elle se révèle au contraire non concluante, elle devra conduire au départ du praticien du groupement et plus généralement de l’établissement hospitalier dans lequel il aura exercé durant quelques mois. Il est recommandé de prévoir des dispositions particulières notamment pour :
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définir la période de préavis nécessaire pour que chacun notifie à l’autre la décision de rompre la période d’essai ; c’est-à-dire le délai entre la notification de la décision et le date de départ effectif du groupe. Par exemple, il peut d’agir de 30 à 60 jours en fonction de la durée de la période d’essai,
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l’arrêté des comptes entre les praticiens à la date du départ, que ce soit pour les honoraires ou pour la participation aux frais et charges du groupement. Par exemple, il essentiel de préciser si l’arrête des comptes de frais et honoraires à la date du départ se fait selon la règle encaissement/décaissement ou selon la règle créances acquises/dépenses engagées. Cela est d’autant plus important que les délais d’encaissement des honoraires sont plus ou moins longs selon les délais de règlement des mutuelles, et de reversement des Cliniques.
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les modalités de la clause de non réinstallation du praticien qui quitte le groupe à l’issue de sa période d’essai – à délimiter avec mesure dans le temps et l’espace et au titre de l’activité concernée.
Les conséquences peuvent également être différentes selon que la période d’essai est rompue du fait du nouvel arrivant qui décide de ne pas donner suite à la proposition d’association, ou du fait des associés du groupement.
Par exemple, il est possible de prévoir que la clause de non réinstallation à l’issue de la période d’essai n’est applicable que si la décision de refus d’association incombe au jeune praticien, et qu’elle n’est donc pas applicable si elle résulte d’une décision des associés du groupement.
Si la décision est celle des associés du groupement, il convient de bien préciser à quelle majorité cette décision de refus du nouvel arrivant doit être prise par les associés du groupement. Par exemple, si le groupe comporte six associés, la décision de rompre la période d’essai du jeune praticien devra t-elle être prise à l’unanimité des six associés ? ou par une majorité renforcée de quatre ou cinq associés sur les six ?
L’organisation juridique de cette période d’essai devra être traitée de manière différente selon que l’association de praticiens est sous forme de Société de fait (SDF) ou sous forme de Société d’Exercice Libéral (SEL).
Dans une Société de Fait, qui est une association de nature contractuelle (avec des implications de nature comptable et fiscales), la période d’essai pourra être organisée par contrat.
Les médecins associés dans le cadre d’une société de fait sont liés les uns aux autres dans un cadre contractuel, et plus particulièrement dans le cadre d’un contrat d’association avec partage d’honoraires.
Dans ce contexte, les règles et modalités de la période d’essai du nouvel associé pourront être définies, comme dit ci-avant, dans le cadre du protocole d’accord qui devra être établi et signé avant son commencement d’exercice professionnel au sein du groupe.
Dans les Sociétés d’Exercice Libéral, qui sont d’une autre nature juridique, la mise en place de la période d’essai sera parfois plus complexe. Plusieurs solutions juridiques existent, notamment l’achat ou la souscription par le nouvel arrivant à l’essai d’une seule part sociale du capital de la SEL, avec une clause appelée « clause de réméré » c’est-à-dire une clause de rachat de cette part sociale par les autres associés si la période d’essai n’est pas concluante. Une autre solution plus méconnue mais très efficace est l’attribution de parts en industrie dans la SELARL au futur nouvel associé à l’essai. Des solutions que nous étudierons dans un autre article à publier prochainement.